La Cosmétique, une science des interfaces tel était le titre du 10ème symposium scientifique de LVMH Recherche qui a réuni à Paris le 19 octobre 2010, plus de 200 experts.
La peau, destination finale des cosmétiques, est aussi notre interface avec le monde extérieur : une interface de couleur, une interface visible, protectrice, support et élément fondamental de notre relation aux autres, comme l’a rappelé le Pr Nina Jablonski, Pr d’Anthropologie de l’université de Pennsylvanie.

Au-delà de l’évolution de la pigmentation de la peau au cours de l’histoire du genre Homo et de son intérêt biologique premier, le Pr. Jablonski nous aura en effet montré l’essentiel de cet organe comme enveloppe, interface sociale pour cet « animal visuel » qu’est l’homme : c’est en se la parant de pigments, de tatouages ou de produits de beautés modernes que l’homme communique.
Le Pr Desmond Tobin de l’Université de Bradford, a rappelé l’influence de la lumière sur les fonctions biologiques de la peau. La lumière est source d’activités fondamentales à la vie mais aussi un contributeur majeur aux phénomènes de stress oxydatifs. Chaleur, IR, UVB, UVA vont, selon la longueur d’onde, frapper la peau à différentes profondeurs et causer des modifications substantielles de la surface de la peau à la membrane des cellules vivantes et leur ADN.
En présentant un voyage en images au sein de la peau, Emmanuelle Noblesse de LVMH Recherche a montré que la peau, cette enveloppe si complexe, se compose elle-même d’interfaces successives organisées, de sa surface aux couches les plus profondes. C’est également cette succession d’interfaces hydrophobes ou hydrophiles que vont rencontrer les produits cosmétiques après application.
Les produits cosmétiques, qu’ils soient de soin, de maquillage ou parfumants sont un univers de dispersions de gouttelettes, de pigments, de particules dans des systèmes gélifiés, polymériques ou de corps gras. Ces produits extrêmement complexes sont régis par des lois où interviennent les notions de tension de surface, de mouillabilité, de courbure, de répulsion, d’adhésion, de coalescence, de diffusion comme l’a rappelé le Pr Johan Wiechers qui a également présenté un logiciel prédictif pour des systèmes simples de formulation. Sylvie Hénon, Professeur à l’Université Paris 7 nous a précisé que ces notions spécifiques, loi de Laplace ou tension corticale s’appliquent au monde des interfaces à l’échelle moléculaire, qu’il soit biologique ou chimique. Les interfaces régissent non seulement les dynamiques moléculaires mais également les équilibres de transfert, de transport et la stabilité micro et macroscopique des systèmes dispersés qu’ils soient tridimensionnels comme dans la peau ou dans un produit, ou encore appliqués en films minces sur la peau. En particulier, le Pr. Hénon aura mis en exergue l’énergie et les « pare-chocs » moléculaires qu’il convient d’appliquer aux milieux divisés que sont majoritairement les produits cosmétologiques (mousses, dispersions, émulsions) afin qu’ils puissent être thermodynamiquement plus stables.
Germaine Gazano de LVMH Recherche a transporté l’auditoire dans l’univers de la sémantique et a donné de nombreux exemples de l’importance des mots pour décrire un produit, ses sensations, son univers. Elle a décrit les stratégies des différents types d’études qui permettent de comprendre, mesurer et traduire les propriétés des produits par rapport aux consommateurs.
Enfin, la cosmétique se situe à l’interface des sciences et est un véritable miroir de l’évolution des sociétés comme l’a précisé Marc Giget, Président de l’Institut Européen de Stratégies Créatives et d’Innovation. Une innovation est avant tout un chef d’œuvre collectif, une synthèse cohérente des connaissances de différents domaines, à l’image des différentes facettes d’un diamant assurant sa cohésion, comme aime à le rappeler M. Giget ; c’est avant tout un état d’esprit, une question de posture.
Pour conclure, Eric Perrier, Directeur R&D de LVMH Recherche a illustré le fait que la cosmétique est à la fois une science et un art qui intègre les avancées de disciplines aussi variées que la couleur, la psychologie, la chimie, l’ethnobotanique, la physique, la biologie cellulaire ou moléculaire, la sémantique descriptive ou onirique et la communication. Par ses recherches, ses innovations et ses produits, la cosmétique transcende la notion universelle d’interfaces pour se mettre au service de la beauté.

Frédéric Bonté