Les candidats médicaments en oncologie issus de phase précliniques ont quelque 5% de chances de devenir un jour médicaments. Et si les tests précliniques in vivo sur l’embryon de poulet étaient une solution à cette attrition tardive colossale ?
Sur 10 molécules anti-cancer prometteuses in vitro, 8 vont être éliminées dès la phase in vivo chez le rongeur. A la fin, seulement 5% réussiront la Phase III. Ce gâchis de temps et de ressources, s’accompagne aussi d’un questionnement éthique. Mais comment améliorer l’oncologie préclinique et augmenter la productivité de la R&D, sans pour autant nuire à l‘indispensable filtrage sécuritaire [1] ?

Nouvelle technologie pour les tests in vivo

Après 5 ans de recherche, une nouvelle approche développée par le Professeur Jean Viallet dans les laboratoires grenoblois de l’Institute for Advanced Biosciences (auparavant Institut Albert Bonniot) a donné naissance à une approche in vivo, proposée depuis 2015 par la start-up Inovotion.
Cette technique in vivo consiste à implanter des cellules tumorales humaines sur la membrane chorioallantoïde des œufs de poulet fertilisés (CAM), puis de laisser la tumeur grossir et effectuer son processus invasif vasculaire, vers l’embryon. Une telle tumeur in vivo se prête à trois types de tests, dont certains peuvent être faits simultanément, sur le même modèle, un avantage considérable :
• efficacité et toxicité pour les traitements anti-cancéreux
• validation de cible en oncologie
• multi-cancer screening, (re)positionnement de molécules
Avec 15 types de cancers et plus de 35 lignées cellulaires déjà testées avec succès par Inovotion, c’est en oncologie que ces nouveaux tests in vivo proposent les percées les plus intéressantes.
Ils sont également pertinents dans le contexte de PDX (Patient Derived Xenograft) ou avec les cellules tumorales circulantes (CTC). Cette dernière piste sera prochainement explorée pour tenter de faire la preuve du concept du chimiogramme. Grâce à l’aide Preuve de concept CLARA, décrochée cet automne par Inovotion et l’Institut de Cancérologie des Hospices Civils de Lyon (IC-HCL), auprès du Cancéropôle Lyon, Auvergne, Rhone-Alpes, le projet SenCirTag testera la faisabilité du chimiogramme sur les cancers de la prostate, du sein et du poumon.

Embryon de poulet ou rongeur : du pareil au même ?

Un des enjeux majeurs des travaux menés par le Prof. Jean Viallet et ses collaborateurs était de positionner les tests précliniques sur embryon de poulet par rapport au « gold standard », les rongeurs. Les indications démontrant que les deux tests seraient superposables et complémentaires.
Ainsi, par exemple, les tests in vivo explorant l’efficacité de la surexpression d’un microRNA androgéno-dépendant sur la diminution des capacités invasives des cellules PC-3 du cancer de la prostate, ont montré les mêmes résultats dans l’embryon du poulet, que dans les souris adultes [2]. De même les études menées sur 20 molécules de référence dont les caractéristiques sont connues chez la souris et l’homme confirment la fiabilité des modèles de Inovotion. Avec plus de 180 études déjà réalisées pour des tiers Inovotion est en passe réussir son pari, diminué considérablement le risque d’échec des molécules dans les phases précliniques en apportant des preuves de concept et des Go/NoGo solides en amont.
C’est justement ce potentiel des tests in ovo d’affiner l’expérimentation animale qui a retenu l’attention de l’organisme britannique NC3R (National Centre for the Replacement Refinement & Reduction of Animals in Research). Sélectionnée en 2014 par le NC3R, l’approche de Inovotion vient de remporter un financement Crack-it Solutions. Le partenariat primé entre la start-up et une société pharmaceutique, comparera la translation depuis in vitro vers in vivo, chez le rongeur et l’embryon de poulet. Les résultats sont attendus en 2017.

Inovotion : des arguments en dur

L’avantage éthique de l’approche in ovo est loin d’être son seul critère différenciant. En comparaison avec les tests précliniques chez la souris, cette technologie est également plus :
• rapide (compter 1 mois)
• sensible (jusqu’à 1000 fois moins de composé à tester)
• fiable (faible p-value)
• abordable (5 à 10 fois moins coûteux).
Rapide, sensible, fiable, abordable et éthique, les tests d’Inovotion tiennent une promesse forte pour la R&D en oncologie. Important lorsqu’on sait que plus de 30 millions de personnes dans le monde vivent avec un cancer [3].

[1] Kola and Iandis Nat Rev Drug Disc (2004)3, 711-715
[2] Kroiss et al., Oncogene (2015) 34, 2846–2855
[3] Chiffres 2012 de Cancer today