Au Genopole d’Evry, des Français ont mis au point un incroyable logiciel. A partir d’une simple prise de sang, il reproduit votre clone sur ordinateur, qui testera les médicaments à votre place.

Hiver 2022. Une épidémie de bronchite s’abat sur la France et vos voies respiratoires. Direction l’hôpital. D’une simple prise de sang, le médecin crée votre double génétique sur ordinateur. Sur ce cobaye virtuel, il teste plusieurs médicaments, multiplie et affine les essais. L’objectif? Une ordonnance sur mesure, dosée pour une efficacité maximale et sans risques d’allergies ou d’effets secondaires dramatiques. En quelques heures, un laboratoire fabrique cette prescription personnalisée et l’envoie chez le pharmacien. Vous guérissez plus vite et en toute sécurité.
Ce scénario, la société Bioquanta, implantée au Genopole d’Evry, y croit dur comme fer. Elle pose sa candidature aujourd’hui à l’obtention d’un financement de 25 millions d’euros de la part d’Isi Oseo, un dispositif de l’Etat visant à soutenir les entreprises innovantes.
« C’est la médecine du futur », annonce Philippe Manivet, professeur en biochimie médicale, praticien hospitalier et l’un des fondateurs de Bioquanta. Avec ses associés, ils sont partis d’un constat en 2003 : dans sa forme actuelle, l’industrie pharmaceutique n’a plus que quelques années à vivre. « La crise financière a stoppé les budgets illimités pour la recherche. Les scandales sanitaires du type Mediator se multiplient et font perdre des milliards, et les expériences sur les animaux seront totalement interdites d’ici quatre ou cinq ans », résume le professeur. En créant un patient modélisé sur ordinateur, il devient possible de créer des médicaments à la carte. Car notre réaction aux molécules dépend de notre génome. Un médicament peut être fantastique pour une personne et mortel pour une autre. Par exemple, on peut être, pour la majorité d’entre nous, réceptifs au paracétamol ou, pour certains, insensibles, voire allergiques.
Cette nouvelle façon de procéder va entraîner une révolution dans le secteur pharmaceutique. Le délai d’autorisation de mise sur le marché des médicaments est aujourd’hui d’environ dix ans. « Ces années de précautions deviendront inutiles car, grâce à nos expériences sur les doubles virtuels, nous réduirons les risques à des proportions négligeables », prédit le chercheur. Il n’y aura bientôt par exemple plus une seule sorte de paracétamol mais des dizaines, adaptées à chaque type de patient.
Les laboratoires devront être capables de réagir très vite. « Ils ne feront plus des milliards de bénéfices sur un médicament vedette pour en perdre autant avec un autre. Ils auront des marges constantes, en diminuant les coûts de développement, en vendant à une plus large population et de façon sûre », assure Philippe Manivet. Reste aussi à trancher sur les nombreuses questions de bioéthique que soulève une telle innovation. Bioquanta va embaucher un juriste pour encadrer ses découvertes. En attendant, la société, pionnière en matière de partenariat public-privé, est déjà implantée dans les hôpitaux Lariboisière à Paris et Henri Mondor à Créteil (Val-de-Marne). « Les médecins ont déjà recours à nos services pour les patients. Nous intervenons comme un maillon supplémentaire de la chaîne de diagnostic en apportant des informations capitales », raconte Philippe Manivet, qui prédit : « Réaliser un double virtuel sera bientôt une activité aussi banale que réaliser aujourd’hui un bilan sanguin. »

Cet article est paru dans le Parisien du 2 mars 2011

Nous remercions le journaliste Julien Heiligen qui l’a signé de nous avoir permis de le diffuser sur nos supports.

Philippe Manivet dont il est question dans cet article présentera cette médecine Prédictive et  Personnalisée du Futur lors de notre B4B-Connection dédiée à cette thématique les 11 et 12 mai 2011.