Pionnier mondial de la génétique médicale, de la génomique et de la pharmacogénomique, le Professeur Daniel Cohen a dirigé la réalisation de la première carte physique du génome humain en 1993. Maintes fois récompensés pour ses travaux scientifiques, il a participé à la fondation du laboratoire Généthon, du CEPH (Fondation Jean-Dausset / Centre d’étude du polymorphisme humain). Au chapitre entrepreunerial, il a co-fondé la société américaine Millenium Pharmaceuticals (rachetée ensuite par le laboratoire Takeda pour 8,8 milliards de dollars) et en 2007 la société française Pharnext, qu’il dirige actuellement.
Interview.

BiotechBourse : La ministre de la Santé Marisol Touraine invite les laboratoires pharmaceutiques à définir des tarifs qui soient supportables par les systèmes d’assurance maladie. Le prix de certains médicaments est-il toujours justifié ?
Daniel Cohen : Les industriels défendent leurs tarifs en arguant du service médical rendu. En réalité, la hausse tendancielle des coûts traduit le fait qu’il est de plus en plus difficile d’amener un produit jusqu’à la commercialisation. Pour un ou deux médicaments approuvés il faut en effet en tester une vingtaine chez l’homme, soit un taux d’échec de plus de 90%. Quand on inclut ces échecs dans le développement d’une molécule homologuée, le coût est colossal. En outre, le bénéfice apporté est souvent trop marginal aux yeux des praticiens. D’où l’engouement actuel pour la médecine « de précision » ou « médecine personnalisée » – que mes propres travaux antérieurs sur le génome humain ont d’ailleurs largement contribué à faire émerger. Les nouvelles molécules ne fonctionnant que sur une fraction réduite des patients, le principe de la médecine personnalisée est de sélectionner les quelques pourcents de patients répondeurs. Mais à l’échelle de la société, cela implique que pour une maladie donnée, il faudra rembourser une dizaine de traitements différents pour couvrir toutes les catégories de patients. Des médicaments dont chacun aura coûté énormément à développer et qu’il faudra donc rembourser à l’avenant… Le coût total pour la collectivité pourrait être réduit parce que les gens seraient globalement mieux traités [NDLR : via la diminution des journées d’hospitalisation par exemple] mais les dépenses pharmaceutiques seraient encore plus élevées qu’aujourd’hui.
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