Comment les biotechnologies peuvent elles aider à produire à partir de plantes ou d’algues de nouveaux biocarburants, biopolymères, biolubrifiants, matières premières pour la cosmétique, la chimie… ? Tels étaient les points présentés et discutés lors du dernier séminaire franco-japonais.

Né d’un partenariat entre le service scientifique de l’Ambassade de France à Tokyo, LVMH Recherche (centre de recherche des parfums et cosmétiques du groupe LVMH) et la Société Japonaise de Chimie, ce séminaire a réuni, à Tokyo, plus de 90 chercheurs, universitaires et industriels.

Les corps gras ont de tout temps été utilisés sur la peau. Avec l’arrivée des différentes civilisations, ils sont d’abord extraits, raffinés de différents végétaux. Huiles et cires entrent progressivement dans les compositions des soins de la peau, comme chez les égyptiens, puis dans les pharmacopées traditionnelles. Plus tard, les apothicaires s’essaient à des mélanges plus complexes. L’arrivée des tensioactifs, dus aux progrès de la chimie du XXème siècle, ouvre la porte des procédés d’émulsification et de leurs applications en divers domaines. Au cours de l’histoire, de nombreux chimistes et pharmaciens français ont joué un rôle déterminant dans la physicochimie des corps gras. Citons Chevreul qui élucida le mécanisme de la saponification ou Pelouze qui effectua la première synthèse de matière grasse, sans oublier Mège-Mouriès qui inventa la margarine dès 1869. Comme l’ont rappelé J. B Grieu de l’AIC-Dior à Tokyo et le Pr Suzuki de Nikkol Cosmos, les corps gras sont largement utilisés par de nombreuses industries, notamment l’industrie cosmétique. Huiles végétales raffinées riches en acides gras insaturés, nourrissantes, cires et esters sont des éléments clés des émulsions, des fonds de teint, mousses, crèmes, démaquillants ou encore des rouges à lèvres. Des alcools gras sont utilisés comme épaississants formant des structures de type gels stabilisés par des cristaux liquides. Les intervenants ont également insisté sur la nécessité d’avoir des procédés de préparation bien définis afin d’assurer la reproductibilité des structures formées. A l’heure où les ressources issues de la chimie du pétrole s’amenuisent, où la démographie augmente, les chercheurs sont en quête de nouvelles sources durables de corps gras (nouvelles plantes cultivées, algues), de nouveaux processus d’extractions plus propres, utilisant peu de solvant et permettant de garder leurs micronutriments d’origine, comme l’a rappelé le Dr Xavier Pages de l’ITERG, Institut français spécialiste des corps gras.

Ces corps gras deviennent ainsi des matières premières intéressantes pour des biolubrifiants, tensioactifs, biopolymères, biocarburants qui souvent ont de nouvelles fonctionnalités et une toxicité plus faible. La recherche en oléochimie a des impacts importants sur l’économie française en termes de filière et d’emplois. Si les usages cosmétiques des corps gras végétaux sont assez répandus, le développement induit par la mise au point de biocarburants de nouvelle génération ou de produits biosourcés végétaux représente aujourd’hui un enjeu considérable. La production de biocarburants à base d’algues, via la photosynthèse, rencontre encore des problèmes de rendement et donc de rentabilité économique. Par contre, selon M. Fujita de Neo-Morgan laboratory les algues, au travers la sélection de souches, sont de formidables réacteurs naturels pour produire des molécules à haute valeur ajoutée, tel que l’astaxanthine utilisable par l’industrie. Ce séminaire franco-japonais, le 3ème depuis 2010 contribue par ses échanges à renforcer les liens scientifiques entre le Japon et la France.

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