Si la peau est reconnue comme la surface externe du cerveau, le cerveau ne serait-il pas un prolongement de la peau ? Ce symposium sur les mécanismes de réparation reliant peau et cerveau a accueilli au Val de Grace à Paris plus de 120 personnes de 8 nationalités. Les connexions peau-cerveau, leurs interactions ou même les comparaisons de leurs mécanismes respectifs de réparation restent encore assez peu connues. La recherche Guerlain – LVMH travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années et est précurseur dans le domaine de la neurobiologie et du neuro-vieillissement. Depuis quelques années, ses travaux sur les endorphines, les neurotrophines et autres neuromédiateurs ont prouvé leur intérêt pour combattre le vieillissement cutané ou les défauts de pigmentation.

La peau est un organe et une interface sensorielle avec le monde extérieur. Si l’épiderme est innervé, le derme est en revanche à la fois innervé et vascularisé. De nombreuses fibres sensitives existent dans la peau et présentent des terminaisons dilatées, corpusculaires ou libres. Différents types de récepteurs, en liaison avec ces fibres (prolongements cellulaires) existent et permettent de capter les sensations de toucher, de douleur, de pression et de transmettre ces informations vers le cerveau. La réparation cutanée de la peau saine mais ayant subi une photo-exposition chronique ou des situations de stress, met en œuvre un certain nombre de mécanismes voisins de ceux rencontrés lors de la cicatrisation. Une peau bien réparée est une peau qui aura aussi retrouvée toute sa sensorialité et sa sensualité. Des recherches récentes ont suggéré que des produits issus de l’abeille puissent faciliter la réparation des micro-déchirures et micro-dommages que la peau peut subir. Quelques études nouvelles ont montré qu’un système extrêmement complexe de neuromédiateurs, impliqués dans les phénomènes sensoriels, l’était aussi dans la cicatrisation et la réparation.

L’ensemble de la peau compte près de 650 000 capteurs sensoriels reliés à la moelle épinière par plus de 500 000 fibres nerveuses. Si le bout des doigts et les lèvres ont la plus grande concentration de capteurs, la peau du dos en a la plus faible. Les progrès de la neurobiologie ont démontré que ce sont les stimuli des terminaisons nerveuses cutanées qui façonnent la cartographie des connexions du système nerveux central. La peau transmet en permanence des informations à notre cerveau et a donc un rôle fondamental dans le développement des aspects sensoriels et psychologiques de chacun de nous. Peau et cerveau ont les mêmes origines embryologiques. Les connexions bidirectionnelles peau-cerveau sont formées dès les premiers instants de la création de l’embryon. L’ectoderme, l’une des trois couches de la cellule primitive qui formera l’embryon, donne le système nerveux central et l’épiderme ; le mésoderme développe le derme et les tissus conjonctifs.
Mais quelles connaissances avons-nous en termes de médiateurs, de leurs origines, de leurs effets centraux et locaux ? Si le cerveau synthétise de nombreux neuromédiateurs, il existe aussi une sécrétion locale par les cellules de la peau. La peau est aussi une source de neuromédiateurs à activité locale, d’où l’importance des neurotrophines, des endorphines et des neuropeptides pour les propriétés biomécaniques et la beauté de la peau.

Dans la peau et le cerveau, les connexions intercellulaires et avec la matrice extracellulaire sont fondamentales pour le fonctionnement normal de ces deux organes. Processus inflammatoires, échanges entre capillaires et tissus, stress oxydatif contrôlé, dynamique et synchronisation des mécanismes sont fondamentaux pour la qualité de la réparation. Ce symposium a permis de balayer de nombreux mécanismes communs à différentes échelles, du noyau d’une cellule à celle du tissu. Il ressort de ce symposium que les phénomènes impliqués dans les mécanismes de réparation sont divers et nombreux. Remodelage de la chromatine du noyau, dysfonctionnements mitochondriaux avec baisse de la bioénergie, importance de la mémoire cellulaire, conséquences des régulateurs épigénétiques, plasticité des phénotypes cellulaires, rôle organisationnel et signalétique des macrophages, interventions ciblées du système immunitaire, rôles des phénomènes inflammatoires dans l’innervation et la réparation, interactions entre cellules nerveuses et endothéliales ou relations neuroendocrines gouvernent les différents mécanismes assurant réparation et fonctionnalité.
Les neurosciences et la biologie de la peau sont inter et intra connectées. Ces intra et inter connexions sont très probablement une des clés de la compréhension fine de la beauté de la peau et de ses évolutions au cours de la vie.

Frédéric Bonte